Baker

Cas clinique

Samedi 26 février 2011 à 12:02

          Trop lents à boire avec Jé et  Ju, il a fallu échouer à une soirée de prépa dans un bar australien, judicieusement appelé l'Australian parce trois pauvres didgeridoos sont accrochés aux murs. Chemises, costumes pour les plus motivés, jupes et décolletés de chasse, c'est le soir des résultats des élections pour leurs associations, et sûrement leur première et dernière sortie de l'année. Bière chère qui se boit comme du sirop, musique vieille de mille ans au volume bloqué sur le mode acouphène, relents aigres de sueur et de clopes juste fumées dans le labyrinthe en mouvement des excités d'un soir.
          L'annonce des résultats s'est faite debout sur le zinc par cinq représentants qui n'étaient pas au courant qu'il n'y a pas besoin de gueuler quand on a un micro. Frustrés d'avoir raté Barbara Streisand et une moitié de Who's that chick, on a gobé les despé avec l'envie de la pizza rituelle d'une heure du matin. Mais le copain de Ju était arrivé, et Jé et moi avons pris un coup de vieux quand on nous a donné vingt-deux ans. Les plans ont changé pour un narguilé et un dernier demi dans un bar qui fout dehors ses clients en deux secondes à la fermeture. Enfin, les trois fromages et chèvre miel ont pu comme d'habitude aider à faire passer la pilule des soirées catastrophes.

Mercredi 23 février 2011 à 0:56

          Qu'il fait bon boire sous la lune. Echanger quelques rôts avec les acteurs d'une mauvaise pièce déjà terminée, quelques points de vie et de la mousse. Mais toujours pas de vomi car Paris veille.

Mercredi 16 février 2011 à 23:51

          A neuf heures l'hôtel particulier était vide. A neuf heures cinq une marée d'un mètre vingt fauchait nos jambes en criant "t'es qui, toi?", "meu...mama...maaan", ou "aujourd'hui, j'ai des biiiiilles !". Bref dialogue avec O., l'autre stagiaire, et l'équipe du centre de loisir. "Ben t'as qu'à circuler toute la journée pour découvrir, tout ça, quoi.". Une cour, une salle à manger, et plein de petites pièces remplies d'enfants qui  font des câlins aux "anim' que y sont trop cool" puis qui "[vont] te défoncer ta tête hé connard fais gaffe si les z'anim' y sont plus là" la seconde suivante. G. m'a offert des billes, A. n'avait pas de copains mais il a quand même mangé sa salade, K. est amoureux de C. mais pas elle parce que les garçons ça fait toujours n'importe quoi quand c'est t'amoureux, Y. met des claques, fait chier le monde et utilise le mot "bite" comme une ponctuation, L. trouve que la vie est belle et raconte l'histoire d'une petitifi et d'une bagete magiq et F. n'a aucune autorité et se fait frapper par des marmots.
          En fin d'après-midi, les enfants développent une monstrueuse envie de se foutre sur la gueule et j'en avais vingt-trois pour moi tout seul. De toute façon, comme c'est toujours lui qu'a commencé j'y rend il est trop con. Mais avec des gros yeux, une grosse voix et une partie de cache-cache, on peut éteindre le volcan. Un par un les parents défilent pour récupérer leurs bombes atomiques, leur ronde rythmée par un monotone "bonsoir, vous venez pour qui? Au revoir", et à dix-neuf heures il est temps d'aller au théâtre. Trois heures assomantes et une bataille de chantilly que le parquet a dû autant apprécier que nous.

Vendredi 4 février 2011 à 11:43

           Malgré une heure de retard, L. n'a pas fait de scandale. Alors, affamés, on s'est assis dans un snack de six mètres carrés qui proposait de choisir quatre ingrédients pour son sandwiche. J'aurai pu prendre surimi-haricots rouges-saucisse de strasbourg-coeur de palmier mais il y avait des ingrédients normaux. Pas un nuage dans le ciel de Nîmes, la faute au vent qui arrachait les oreilles, les nez et les doigts, et il a fallu trouver une place au soleil après un tour complet du jardin de la Fontaine. D'abord en bas, pour les études et la famille. Ensuite, cinq mètres plus haut pour étudier les codes ; elle s'appelle Jessica, elle porte des ballerines et un legging, attache ses cheveux lissés teints en noir avec une grosse pince de coiffeur rose, ravale sa façade bouffie avec une croute de fond de teint pour séduire Jimmy, requins aux pieds et ensemble jogging aux chaussettes qui remontent, tignasse coupée courte arrangée au gel et brillant à l'oreille qui crachera par terre pour lui donner son accord, puis ils emménageront quand elle sera enceinte à vingt-et-un ans et pourra goûter le plaisir de faire la tambouille, le môme sur le bras, en entendant hurler la playstation trois et son chômeur qui veut sa bière. Enfin, encore plus haut pour les derniers rayons, plutôt bonheur béat ou aigreur lucide? Entièrement d'accord sur le bon choix, elle est rentrée dans sa barre et moi dans ma poubelle.

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