J’entrai sans frapper, une absence de politesse convenue entre nous, vu qu’il ne m’avait jamais reproché de le faire. Il était toujours planté à sa place, comme un meuble de plus dans son appartement toujours si impeccable que je me demandais souvent si d’autres personnes venaient le voir. Il était réveillé, et végétait dans son canapé, dont je ne l’avais jamais vu bouger. Je m’étais résolu à le trouver éternellement ainsi depuis notre rencontre, que ni lui ni moi ne pourrions raconter parce que je n’ai pas la mémoire de ces choses-là, et que lui ne parle tout simplement jamais. En effet, j’avais évalué avec le temps sa masse aux environs de six-cents kilos, et il me semblait naturel que je ne le verrai jamais ailleurs que dans ce fauteuil au sky luisant comme s’il l’eût imbibé de sa sueur et de sa graisse avec le temps. Sa tête, au cou se répandant comme un gros morceau de cire, trônait sur les deux coulures de ce qu’on aurait pu appeler chez lui des seins, étirées le plus loin possible sur les innombrables vallées de son ventre lui tenant lieu d’accoudoir. Ce dernier paraissait avaler en haut ses bras dénués de toutes notions d’épaule et de coude et en bas ses jambes dont on ne pouvait deviner que la moitié inférieure des mollets, plus larges que ce que mon imagination aurait pu leur concéder. Des plis de ses poignets tentaient de s’échapper des doigts si gras qu’ils étaient comme joints entre eux jusqu’à leur extrémité, et ses pieds, à l’exception d’un orteil de son pied droit, je n’ai jamais su lequel, disparaissaient sous une couche de graisse, que vomissaient ses chevilles, et qui s’étalait sur la moquette toujours comme neuve. Ses immenses joues, qui le faisaient ressembler tant à un orang-outan qu’à un rongeur, vibraient mollement à chacune de ses respirations, l’inspiration s’accompagnait d’un léger bruit de succion tandis que l’expiration laissait presque à chaque fois échapper un rôt, seuls sons pouvant témoigner de la présence d’une vie, plus ou moins consciente, à l’intérieur de cette montagne humaine, ce continent de chair. Ses yeux ne clignaient pas, réduits à deux fentes sombres dont n’était jamais sortie la moindre lumière, surmontées de vestiges de sourcils qui recueillaient les flots de sueur que l’on pouvait voir couler de son crâne chauve sous formes de grosses gouttes, qui parfois parvenaient à s’échapper pour rejoindre les fleuves de transpiration qui sillonnaient les vallées grasses de son abdomen.
Je m’approchai de lui, sans savoir s’il me voyait, et posai mon doigt sur un bout de l’immensité de son ventre. Il explosa, et il y en eut partout.