Baker

Cas clinique

Samedi 23 octobre 2010 à 18:13

          Depuis des jours, Mark Zuckerberg prend très au sérieux le fait que je sois célibataire et s'investit à mort pour que ça change.
         
          Pour l'apéro, "Contact libre et garanti", une poulette avec un pull ras-le-scandale, des chaussettes roses jusqu'au genoux et en guise de présentoir : "sur Onedate pouvez-vous connaître facilement les plus belles filles de votre région. C'est libre et le contact et garanti". Mouais, et merci pour la syntaxe.
          En entrée, plus sobre, "envie de rencontres?", mais je peux pas dire oui ou non, et la fille blond mal-lavé avec des yeux de mouche à montures rouges est pas très avenante. Heureusement, on me rassure "découvrez vite WeKiss un nouveau site de rencontres pas comme les autres et faîtes vous des amies dans votre région", d'accord, c'est juste pour prendre un verre, pas pour niquer. Next.
          Le plat principal est plus épicé. "Le coup de Foudre?". Badaboum, il y a des majuscules. La même blonde, mais
décoiffée, avec d'autres lunettes, qui cette fois illustre "Avec EdenFlirt, dialoguez et rencontrez des femmes de votre région". C'est hyper clair, mais je crois pas au coup de foutre.
          Le meilleur pour la fin, un dessert explosif façon pièce montée farcie à  la pin-up. "Rencontres sexy edenflirt", les mêmes qu'au-dessus mais carrément ciblés sur le célibataire aux testicules pleines. Coup de théâtre, c'est une brune avec un sourire au white spirit qui me propose de "[rencontrer] les plus jolies célibataires de [ma] région, des femmes libérées pour des relations sans contrainte ! INSCRIPTION GRATUITE". Et ben, ils vendent pas de la merde ceux-là.

          Il en ressort qu'apparemment il y a des tonnes de belles filles dans la région puisqu'il faut quatre sites pour les stocker toutes. Et c'est tentant tout ça, mais bon j'ai pas de compte paypal.

Mercredi 20 octobre 2010 à 16:44

          L'immeuble donne sur la cour d'une maison de retraite. Il y a une chambre avec la fenêtre toujours ouverte et dont l'occupant passe ses journées à pousser des cris effrayants. Comme si on lui arrachait les yeux avec ses propres pieds. Mais lui, c'est juste pour montrer qu'il est là, je crois. Et on commence à le savoir, qu'il y est.
          Alors ce soir je lui réponds et je gueule comme lui quand il crie. Sauf que le voisin d'à côté vient de m'engueuler. Y a pas de justice, et on autorise tout aux vieux fous.

Mardi 19 octobre 2010 à 22:46

J'en ai beaucoup parlé mais pas encore en vers,
De ce plaisir divin transformé en tissu,
Savamment découpé pour attirer la vue.
Un manteau délicat pour affronter l'Hiver.

Beige comme le sable que balaie la mer,
Deux rangées de boutons sages et ingénus,
Du cachet, comme une veste qui en a vu,
Et surtout, point d'honneur, ça n'était pas si cher.

Lundi 18 octobre 2010 à 15:39

          Non monsieur l'étudiant en master, non mademoiselle la doctorante, non reste du monde, femme au foyer n'est pas une activité professionnelle, donc pour vos mères, mettez "sans activité", ça arrive, c'est pas grave, vous serez pas jugés. Quand il est écris département/pays, il faut mettre un numéro comme suit : "0/3/4" pour l'Hérault, et non essayer de caser  "Fr/an/ce" ou "île/de/france", soyez logiques mes chéris. Enfin, cessez de marchander le paiement des 200€ de sécu avec moi, car je me fiche de savoir que vos parent sont chefs d'entreprise, médecins, ou disparus dans un accident de zoo, c'est le même tarif pour tout le monde. Merci.

Lundi 18 octobre 2010 à 10:28

Acte I
Scène 1
 
Baker, Dieu

La scène se passe dans mon bureau. Je tape à l'ordi des dossiers à inscrire donnés par ma supérieure. Entre Dieu, la chef des chefs du haut de la pyramide.

Dieu : Bonjour, Baker, ça va? Qu'est-ce que vous faîtes?

Baker : Je...

Dieu : Des e-learning ! formidables !

Baker : Oui, je...

Dieu : Vous en avez un paquet, dîtes-donc !

Baker : C'est que...

Dieu : C'est madame B. qui vous les a donnés?

Baker : Oui...

Dieu : Quoi ? Mais ce n'est pas à vous de les faire !

Baker : C'est-à-dire qu'elle ne sait pas se servir du logiciel et...

Dieu : Comment ?!? C'est la meilleure celle-là ! (elle sort, furieuse)


Scène 2
Baker, un étudiant, Dieu, Mme B.

Baker : Bonjour, c'est pour une inscription?

Etudiant : Oui, en docto...

Il se tait, interrompu par les cris de Dieu dans le couloir.

Dieu : (à mme B.) Vous lui refilez tout les dossiers, et vous vous tournez les pouces ! Ca ne va pas pouvoir continuer !

Mme B. : Mais c'est que je ne sais pas me servir du logi...

Dieu : Vous étiez là un mois avant Baker, et il a appris sur le tas ! Ca va aller trèèèèès loin madame B. !

Mme B. : (pleurnichant) Oui, pardon madame P.... Je m'excuse...

Dieu : (retournant dans mon bureau, à Baker) Et vous, arrêtez les dossiers, vous en avez assez fait.

On entend au loin renifler Mme B. qui va se faire virer.

Rideau



 

Dimanche 17 octobre 2010 à 20:27

           Pour rebondir, il faut un sol dégagé, sinon on peut repartir n'importe où. Tout jeter par les fenêtres, faute de t'aimer de tout mon être., je suis pas Rose. Faut faire des concessions, pour choisir des souvenirs, j'ai jeté 5 maquettes, plus un bout de carton ne traîne ici, adieu les pochettes, et le calendrier universitaire est remplacé par "Hugo Baker Wasseuh al ibn-Jafar" de Léonie Bouillon.

          Demain ce sera l'um1 pour la dernière fois, les étudiants seront tous inscrits. Moi non, à part à l'atelier théâtre et dans une formation pour le bafa. Je suis une mitraillette à cv. Pire que les pubs, je remplis les boîtes aux lettres et le travail sera là en décembre assurément. Achetez-moi, le nouveau Baker est de bonne qualité. C'est promis.

Mercredi 13 octobre 2010 à 10:34

          Dix heures et un petit quart passés, l'alarme incendie se met à hurler pour donner le départ de la course à la sortie. Etudiants et fonctionnaires disciplinés s'échangent des sourires, on rigole de l'exercice dans la fac. La seule fumée vient des clopes allumées en attendant sur le parvis, les éclats de voix sont des rires. "Faudrait qu'un jour on l'fasse en foutant des fumigènes et en f'sant v'nir les pompiers". Elle a pas tort Rebecca, parce qu'au fond, on a tous appris à ne pas y croire depuis le collège. Le soleil se cache ce matin, j'ai les larmes aux coins de mes yeux rouges et le nez qui coule.
          Je suis triste de froid.

Mardi 12 octobre 2010 à 10:31

          Dans quelques mois ça ne parlera plus de moi. Juste quelques semaines avant que ça ne te concerne plus. Plus que quelques jours avant que ça n'évoque plus la vie courante. Attendre quelques heures pour qu'il n'y ait rien à dire. Les quelques dernières minutes seront muettes. Et dans quelques secondes ça

Lundi 11 octobre 2010 à 15:58

          Elle s'appelle Laury, et elle vient de Madagascar pour faire ses études en France, tout juste après son bac. Ses dix-huit ans et son petit mètre cinquante étaient accompagnés des cinquantes ans et des cent-dix kilos de Jacques.
         
          Jacques est poli. C'est une qualité rare aujourd'hui. Jacques est aussi énorme, il porte fièrement un groin qui coule de son front gras, il laisse s'accumuler en perles les gouttes de sueur dégoulinant de ses lambeaux de chevelure huileuse et en paquet ,et surtout, Jacques a des odeurs. Celle de la transpiration, la faute aux quatre étages. Celle de la crasse, qui rappelle un peu l'urine. Celle du tabac froid. Et celle du sexe, quand il pose sa main d'ours pelé aux ongles jaunis par l'amour des gitanes sans filtres sur la nuque lisse et mate de la malgache, dans ce couloir de l'université.
         
          C'est leur tour, ils entrent dans mon bureau. Bonjour, je viens l'inscrire,..., malgache,..., avion,..., études en France,... Jacques est en verve. Moi en apnée. Même les papiers d'inscriptions puaient cet homme. Mes mains courent sur mon clavier, les siennes sur les cuisses de Laury. La crasse s'accroche aux murs qui se couvrent de vomissures noires, et il n'y a que nous trois dans ces dix mètres carrés. Triste triangle amoureux. Jacques transpire, Laury sourit, et j'ai mal pour elle. Mal quand il m'explique qu'elle a laissé sa famille là-bas pour venir en France, mal quand j'apprends qu'elle n'a personne d'autre que Jacques, mal quand je comprends que son statut étudiant ne servira qu'à avoir un visa pour que ces vieilles couilles, pleines de frustration, de dégoût et de nature humaine, se vident dans un corps de dix-huit ans en toute légalité, et mal quand je l'imagine sur elle, lui offrant les perles de sueur qu'il sait si bien porter.
         
          J'annonce les frais d'inscriptions quand il finit de l'embrasser, obligé de lui sourire parce qu'il me fait peur. Il trouve que trois cent soixante-dix-huit euros, c'est quand mêm' cher. Une gamine bien foutue, c'est trois cent balles. Moi je ne vaux rien. Je suis complice de prostitution détournée, et l'odeur terrible de ce démon flotte encore entre les quatre murs pour me le rappeler.

Vendredi 8 octobre 2010 à 11:23

          J'ai commencé un blog parce que je serai jamais une star. Parce que je pourrai geindre dessus. Et que vous aimerez ça. J'ai coupé mes cheveux, j'ai lâché prise, j'ai écris, j'ai cherché un avenir, j'ai couru après elle, j'ai acheté des chemises. Je suis fier.

<< Morgue | 1 | 2 | 3 | Hosto >>

Créer un podcast