Née d'un chat angora et d'une pluie battante, Mairèze avait tout de la syncope. Elle fendait les plaines sur son char à pneu, mettait des livres dans ses lasagnes, ce qui faisait beaucoup rire sa marraine, comptait ses os pour un jour partir au ski avec son yucca adoptif et travaillait à la chaîne. Il y avait Mu-Rodrigue, qu'elle avait rencontré dans les tranchées, Etoototototo avec qui elle avait vécu un enfer sur une île déserte, et Mina qui lui disait chaque matin ; "mettre, mets, mis, c'est pourtant simple, il faut toujours" et elle s'arrêtait là. Ils étaient tout le temps ensemble, tous les quatre en se persuadant qu'ils étaient huit, et ça leur suffisait. Mu-Rodrigue a épousé Mina par amour pour ses meubles de jardin, et ils se sont rendus un jour compte que Etoototototo n'avait jamais quitté son île. Mairèze restait donc avec les quatre autres et ce manège dura quinze ans. Entre-temps il y eu des orages, des marchés aux puces et quelques invasions de moustiques aux premières chaleurs, mais rien qui n'eut pu entraver le cycle de sa digestion.
Elle tomba enceinte par ennui et accoucha d'un bel enfant et d'une brouette un peu petite. L'outil fit de brillantes études et une carrière dans le chant lyrique, mais son frère eut moins de chance et devint simple chauffeur de canapé. Sa maternité permit à Mairèze de rencontrer Aude, une femelle lévrier qui habitait dans la banlieue de Mars et qu'elle croisait régulièrement devant la machine à dragibus de la clinique. De leur amitié naquit une passion pour les jeux de hasard et d'argent et Aude mourut d'un échec à la roulette russe.
En rassemblant les draps blancs et quelques blouses, Mairèze créa Al-ibn-Roger, une sorte de poète en tissu sale pour qui elle accepta de changer de nom. Elle s'appela donc Y. C'était plus court et, donc, beaucoup plus pratique et ils célébrèrent cette idée lumineuse avec un bouquet d'arrosoirs en sucre. Ils moururent quatre ans plus tard de leur bonheur, et leurs corps firent place respectivement à un feu d'artifice et un pmu. La brouette écrivit d'ailleurs un sulfureux roman sur les amis de sa mère qui fit un tabac en Argentine.