"Je vous le fais en taille standard, un mètre soixante-quinze tout pile, emballé dans du rayé bleu et blanc, un jean, vous avez le forfait "délavé-déchiré"? Allez pour vous c'est gratuit. Bon, pour le matos je lui colle un reflex, un blackberry, numéro au choix, deux ou trois trucs mac qu'il trimballera dans un sac en bandoulière. Pour les chaussures j'ai plus rien, mais faîtes un tour dans une friperie, ça suffira. Ah oui, achetez-lui des porte-clefs fantaisies, de quoi lui faire croire qu'il peut être un vrai drogué, et des lunettes avec des grosses montures si vous avez une bonne mutuelle. Apprenez-lui les mots "noctambule", "sexe", et "personnalité", puis des rudiments d'anglais, ça sera une bonne base. Laissez-le jouer à faire son numéro de "je veux mourir jeune". Vous avez un bon compte en banque, je pense qu'il est fait pour vous. Prévoyez un budget cigarettes, voire cigarillos, ça peut lui venir, comme ça, de quoi se passer ses lubies régulières et quelques honoraires de psychanalystes, pour l'aider à porter la dure réalité de la vie sur ses épaules de paresseux. Si vous voulez le changer de sexe c'est le même équipement. Oui, c'est pratique, je pense que c'est pour ça que je les vends si bien. Vous verrez, vous ne vous ennuierez pas avec ses utopies, ses caprices, et tous ses petits malheurs qui seront de vrais drames." Le vieux barbu sorti un gros stylo plume en or de son manteau et commença d'aligner les zéros sur son chèque. Mais sa femme, à côté, semblait soucieuse, elle regardait le produit avec une moue mauvaise pour mon affaire. Ils commencèrent à chuchoter entre eux et le chéquier se referma. "Beaucoup de nos amis ont déjà ce modèle, fit-elle, j'ai peur qu'il ne soit pas assez personnalisable." Et elle avait raison, ils ne pourraient avoir une influence assez forte pour en faire assurément quelque chose de fiable et d'autonome. Heureusement, ils étaient venus avec la ferme intention de ne pas rentrer bredouille.
Rapidement, ils éliminèrent mes modèles basse consommation, débrouillards ou ceux avec des défauts de fabrication. Ils jetèrent finalement leur dévolu sur une jeune à la peau très noire, "ça nous donnera une belle image d'ouverture, dit-elle avec un grand sourire" mais ils revinrent sur l'attirail que je leur avait prévu au départ. Enfin je touchai le papier avec un gros chiffre bien autographié, et je ne manquai pas de leur dire à quel point j'étais satisfait de les avoir rendus heureux.
Ils sortirent et tinrent la porte à une grosse femme en pantoufle, qui charriait d'un bras une poussette avec des jumeaux et portait un mouflet tout nu avec l'autre. Elle parlait très fort, et me rappela qu'elle venait récupérer une commande que j'avais intérêt d'avoir reçu parce qu'elle avait payé la moitié d'avance. J'ouvris le carton avec elle. Un modèle grande taille, rasé par mes soins, quelques petites cicatrices visibles, un ensemble jogging joliment assorti et une cigarette sur l'oreille. Quand il a craché sur le parquet, ça l'a convaincue, elle a jeté le reste du montant en chèque emploi service sur mon comptoir et toute la bande est repartie. La journée avait été bonne et je retournai le panneau "ouvert". Six-heures moins dix, j'ai éteins les lumières et j'ai pris une douche dans l'arrière-boutique. Assis dans le gros fauteuil derrière mon comptoir, je parcourais les titres du journal. Le carillon de la porte d'entrée tinta et elle apparut, la dernière cliente de la journée. Elle avait choisi une formule plus classique pour acheter un enfant. Elle laissa tomber son manteau, elle était nue dessous, et je baissai les stores.
Rapidement, ils éliminèrent mes modèles basse consommation, débrouillards ou ceux avec des défauts de fabrication. Ils jetèrent finalement leur dévolu sur une jeune à la peau très noire, "ça nous donnera une belle image d'ouverture, dit-elle avec un grand sourire" mais ils revinrent sur l'attirail que je leur avait prévu au départ. Enfin je touchai le papier avec un gros chiffre bien autographié, et je ne manquai pas de leur dire à quel point j'étais satisfait de les avoir rendus heureux.
Ils sortirent et tinrent la porte à une grosse femme en pantoufle, qui charriait d'un bras une poussette avec des jumeaux et portait un mouflet tout nu avec l'autre. Elle parlait très fort, et me rappela qu'elle venait récupérer une commande que j'avais intérêt d'avoir reçu parce qu'elle avait payé la moitié d'avance. J'ouvris le carton avec elle. Un modèle grande taille, rasé par mes soins, quelques petites cicatrices visibles, un ensemble jogging joliment assorti et une cigarette sur l'oreille. Quand il a craché sur le parquet, ça l'a convaincue, elle a jeté le reste du montant en chèque emploi service sur mon comptoir et toute la bande est repartie. La journée avait été bonne et je retournai le panneau "ouvert". Six-heures moins dix, j'ai éteins les lumières et j'ai pris une douche dans l'arrière-boutique. Assis dans le gros fauteuil derrière mon comptoir, je parcourais les titres du journal. Le carillon de la porte d'entrée tinta et elle apparut, la dernière cliente de la journée. Elle avait choisi une formule plus classique pour acheter un enfant. Elle laissa tomber son manteau, elle était nue dessous, et je baissai les stores.