"La Vignette", théâtre de la faculté de lettre de Montpellier nous a proposé ce soir une représentation de Woyzeck, de Georg Büchner. Woyzeck. Frantz Woyzeck. C'est un soldat qui a un supérieur qu'il rase, de l'eau et un rasoir pour une barbe. C'est un mari qui a une femme qu'il aime, du sang et un couteau pour un adultère. C'est un pauvre, malade, qui a un docteur à qui il sert de cobaye, de l'urine et des analyses pour quinze euros par semaine qui aident à boucler le mois. C'est un homme qui a un camarade tambour-major qui aime Marie. Woyzeck aime aussi Marie, puisque c'est la mère de son enfant, celle qui reçoit la solde. Il y en a, du monde, autour de Frantz. Et pourtant, c'est l'homme le plus seul de la terre, avec ses délires médicamenteux et ses coups qu'ils reçoit parce que c'est un homme bon. Les coups, nous aussi on en prend. Dans la gueule, dans le moral puis dans les principes. Tous ces personnages nous prennent à parti mais nous, le public silencieux, on répond avec les yeux quand ils nous demandent "toi, toi, qu'est-ce que t'en penses?", "et toi?", "qu'est-ce que tu veux me dire?". Ce soir j'ai été fusillé par du bon théâtre, et j'en ai pleuré. Une pièce à voir avec prudence si l'on se sent seul, ou tout bêtement triste, parce qu'on risque alors de s'indentifier à ce soldat-là. Et on pleure le cadavre de Marie, tout seul dans le public silencieux qui répondra encore avec les yeux.
Baker
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